Nicolas Sarkozy et la finance comme casino

« Le rôle d’un banquier, ce n’est pas d’entretenir une salle de marchés où des jeunes ultra-diplômés derrière des ordinateurs hypercompétents parient sur une chose aussi intéressante que de savoir si la bourse va franchir les 2 000 points. »

Nicolas Sarkozy, 19e salon des entrepreneurs, 1er février 2012

Le président de la République, alors dans les derniers mois d’exercice de son mandat, dénonce l’activité de trading devant un parterre d’entrepreneurs. Ainsi formulé, on a l’impression que les banques préfèrent employer de brillants cerveaux à jouer bêtement au casino plutôt que de financer intelligemment l’activité de nos entreprises. Cette schématisation a peut-être le mérite d’être en phase avec la conception populaire, il n’empêche qu’elle relève d’une profonde méconnaissance du fonctionnement des marchés financiers.

Il est vrai que chaque jour des milliers de paris sont pris sur la question de savoir si un indice boursier, comme le CAC 40 en France ou le Dow Jones aux États-Unis, va franchir un certain seuil. Pourquoi de tels paris ? La finance est-elle à ce point déconnectée de l’économie réelle qu’elle se focalise sur l’évolution aléatoire d’indices, faits d’agrégats comptables, dont personne n’a de mesure intuitive ? Non, pas vraiment.

Ces paris renvoient à des produits d’assurances (appelés « produits dérivés ») contractées par des entreprises dont l’activité est bien réelle. Prenons le cas du constructeur automobile Renault. Lorsque cette entreprise française désire asseoir son activité au Brésil, qui après l’Hexagone représente son plus gros marché, il est nécessaire d’ouvrir des ateliers sur place. En misant sur ce marché d’Amérique latine, le constructeur s’expose à un énorme risque : celui de la conjoncture brésilienne. Si d’aventure l’économie locale tombe en rade, les ventes de véhicules plongent, comme ce fut par exemple le cas en Argentine en 2014. Une manière de s’assurer contre ce risque est d’acheter un produit dérivé sur l’indice boursier brésilien (en terme technique, il s’agit d’une option Put sur le Bovespa) par lequel le constructeur est dédommagé en cas de chute de l’économie brésilienne.

Le président en exercice se trompe de combat. Comme expliqué dans la collection : La finance au cœur de nos vies, ce n’est pas l’activité de trading, et donc de couverture de risque qu’il faut critiquer, mais son manque actuel de régulation. En effet, le problème avec ce genre de produit est qu’ils sont parfois, en raison de leur sophistication inhérente et de leur possible sortie du bilan comptable, privilégiés par des institutions financières désireuses d’échapper aux règles prudentielles.

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